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C’est une histoire connue que la saisie administrative pour acte de sorcellerie en 1948 des trois objets en ivoire Pinda du Museu Nacional de Etnologia (MNE), Lisbonne n° 59, 60, 61 de « Sculpture Angolaise », qui nous permet d’en savoir un peu plus sur les Pinda. Une quatrième sculpture est reproduite, n° 62, elle avait fait l’objet d’une publication antérieure par Macedo et Montalvon en 1934 (fig. 39). Nous sommes donc en présence d’un corpus rarissime de quatre sculptures en ivoire Pinda, et nous en découvrons trois autres faisant partie de l’appareil d’un Nganga (prêtre-guérisseur) : sur ces trois objets, l’un a été vendu chez Sotheby’s le 2 décembre dernier (reproduit sous le lot 78) et les deux autres sont présentés ici. Les Pinda, comme les Ovimbundu (plus connus des collectionneurs) ou les Nkhumbi sont des populations qui habitent au contact de la côte angolaise au sud de la capitale Luanda. Sur un corpus maintenant porté à sept statuettes en ivoire, toutes en buste, cinq d’entre elles présentent cette coiffure bilobée en saillie qui les distingue clairement des autres objets angolais. A l’exception de l’une d’entre elles, elles ont toutes fait l’objet de nombreuses applications de poudre rouge (tukula) qui visent à augmenter leur pouvoir. Elles présentent toutes aussi une cavité profonde sur le sommet de la tête, laquelle devait contenir des dents humaines si l’on s’appuie sur l’exemple (n° 59) du M. N. E. qui a conservé ses deux dents visant encore à augmenter le pouvoir des objets du Nganga. De cet ensemble aux caractéristiques proches pour six objets, jaillit avec toute sa puissance cette statuette janus mi-homme, mi-animal, dans un imaginaire rarissime pour l’art africain. La comparaison avec cette gravure (in. Capelo et Ivens, 1886, I : 208) d’une femme Nkhumbi portant une coiffe d’un superbe raffinement, avec ce qui évoque deux larges oreilles d’éléphant, est saisissante. Au travers de cette sculpture janus anthropozoomorphe, le Nganga a sans doute voulu rendre la force vitale de l’éléphant. Le visage formé de ces deux oreilles et les bras se terminant comme des pieds d’éléphant semblent l’indiquer. C’est un objet dont Dubuffet ou Max Ernst auraient volontiers accepté la paternité. L’ivoire, avec sa patine rouge foncé de tukula, révèle une grande ancienneté et un très long usage au service du Nganga. English translation at the end of the catalog page 120
JEUDI 19 MAI 2016
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