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Effigie féminine des Akyé (Côte d’Ivoire) à placage de feuilles d’or
Cette statue saisissante, sans aucun équivalent, plusieurs fois reproduite, à juste titre1, révèle clairement, par son style, qu’elle provient d’un artiste originaire du Sud-Est de la Côte d’Ivoire, de la région des lagunes, dans le Bas-Comoé. Elle a été collectée à La Rochelle il y a une trentaine d’années par Patrick Girard, dans une ancienne famille pouvant avoir un lien avec les comptoirs ivoiriens. Après être restée cinq années entre les mains de Patrick Girard, elle a fait partie de la collection de Samir Borro, avant de rejoindre la collection privée actuelle. Une effigie exceptionnelle Exceptionnelle, elle l’est pour plusieurs raisons. Son ancienneté d’abord, mais aussi parce que c’est le seul exemplaire connu d’une statue anthropomorphe des « Lagunaires » à placage de feuilles d’or, alors que ces derniers arborent de nombreux bijoux dans le même métal et qu’il existe plus au nord quelques rares statues anthropomorphes recouvertes d’or : chez les Baule, l’une d’elles, naguère au musée Barbier-Mueller, appartient au Gold of Africa Museum de Cape Town2. Chez les Anyi, à une ou deux exceptions près3, ce sont surtout des figures qui surmontent des chasse-mouches ou des sceptres, à l’instar des modèles ashanti4. Autre confirmation de cette rareté : même en ce qui concerne la statuaire « ordinaire », non ornée de feuilles d’or, les « Lagunaires » eurent toujours une production infiniment moins prolifique que les Baule, les Anyi ou les Guro, d’autant que l’urbanisation, en Basse-Côte5, a conduit à délaisser les cultes traditionnels, plus que dans le centre du pays. Dernier phénomène majeur qui explique le faible nombre de masques et statues qui subsistent chez les « Lagunaires »: leur destruction en immenses quantités lors de la propagation des croyances syncrétistes iconoclastes, répandues dans le Sud. Dès 1914, le « prophète » William Wade Harris, venu du Liberia, surnommé Latagbo en Basse-Côte, rencontra un immense succès ; s’écriant « Brûlez vos fétiches ! », il interdit les cultes animistes, prohiba toute production de statuettes (même les effigies funéraires en terre cuite), et cette éradication fut poursuivie par d’autres « prophètes »6. N’hésitons pas à le dire : ce fut un désastre artistique qui n’a laissé que d’infimes témoignages des créations antérieures au début du XXe siècle, un vandalisme dont il n’existe que peu d’exemples comparables, même avec le Massa chez les Senufo, de toute façon plus tardif et éphémère7. Aujourd’hui les « Lagunaires » sont harristes, catholiques, protestants ; les cultes animistes ne survivent que de manière résiduelle. Certes, depuis quatre décennies on assiste à un « revival » avec des festivals qui relèvent plus du folklore que de la tradition, fondamentaux cependant pour le tourisme. Qui sont les « Lagunaires » ? On regroupe sous cette appellation quatorze populations, numériquement faibles (certaines de quelques milliers d’individus), mais qui, possédant des institutions sociales diversifiées, parlent des langues relativement différenciées. Installées entre les environs d’Abijdan et la frontière ghanéenne, elles vivent depuis des siècles sous l’influence culturelle et linguistique des Anyi. Leurs noms ? Abidji, Aburé, Odiukru, Alladian, Aïzi, Avikam, Ehotilé, Esuma, Gwa, Kyaman (ou Ebrié), Krobu, Nzima, Abé (Mori, Tchofu, Khos), ainsi que, même s’ils sont installés plus au nord, les Akyé des environs de la bourgade d’Alépé. Leur organisation repose en grande partie sur un système complexe de classes d’âge, bien étudié par les anthropologues9 , sans système politique hiérarchisé, sauf chez une moitié des Aburé qui possède une chefferie10. Quatorze populations sur une largeur de territoire d’à peine une centaine de kilomètres : il suffisait de quelques heures de navigation à un Akyé pour descendre le Comoé et renc