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Extrait du journal de bord du commandant Henri Jouan
La tête en pierre de la vallée d’Haavao, Nuku Hiva, îles Marquises Cette sculpture a été publiée pour la première fois par Karl von den Steinen dans sa somme Die Marquesaner und ihre Kunst (1925-1928). Il l’avait photographiée lui-même à Cherbourg dans le « jardin de Madame Maisse ». Il lui attribue « une valeur tout à fait extraordinaire », le visage à gros yeux arrondis et nez aplati de cette « tête votive à bandeau frontal tressé » témoignant du style le plus ancien et constituant, à son « avis, la performance la plus élevée des arts des Marquises ». Il la décrit à maintes reprises comme une « tête de Gorgone » à valeur « apotropaïque », renforcée par la teinte rouge de la pierre, et rappelant le culte voué aux crânes humains par les Marquisiens. Les circonstances de sa collecte par le lieutenant de vaisseau Henri Jouan sont connues grâce au journal inédit qu’il rédigea à Nuku Hiva entre juillet 1855 et juin 1856 et à une note accompagnant le don qu’il fit au musée d’Histoire naturelle de Cherbourg, en 1886, d’une autre sculpture de pierre figurant une tête de porc1, prélevée au même endroit : « Cette tête a été trouvée en 1854, dans un ancien lieu de sépulture, véritable lucus, près duquel les naturels ne passaient qu’avec épouvante, dans le haut de la vallée de Haavao, baie de Taio-hae, île Nuku Hiva. Nous avions coupé, pour des réparations indispensables au gouvernail de notre navire, une branche d’un énorme calophyllum inophyllum dans cet endroit, très tapu, et les naturels ne manquèrent pas d’attribuer à ce sacrilège l’invasion d’une épidémie de grippe, qui sévit sévèrement sur notre équipage. Avec la tête de porc, nous trouvâmes une grande quantité d’ossements humains en décomposition, des os de cochon, plusieurs tiki en pierre rouge pareille, dont un, haut de près de 0,80 m, est actuellement à Cherbourg. »
Portrait du commandant Henri Jouan (http://www.archive.org)
Son journal ajoute : « Il y a dans la vallée de Haavao un véritable bois sacré, où nous avons porté la hache, au sommet d’une colline, du temanu, vieux comme le monde, et un arbre du banyan gigantesque ombrageant une plateforme qui a dû voir célébrer des mystères religieux. Nous y avons trouvé des idoles grossières en pierre rouge. Ce lieu servait de sépulture. » Selon ce même document, les travaux sur le « gouvernail pour réparer la mèche qui donne quelque inquiétude » eurent lieu en mars 1854. La longue carrière d’Henri Jouan (1821-1907) le conduisit à trois reprises à Nuku Hiva, d’abord comme commandant en second de la frégate L’Artémise, puis comme commandant particulier des îles Marquises posté à Taiohae. Il séjourna également à Tahiti et en Nouvelle-Calédonie, rapportant divers objets dont il enrichit le musée de Cherbourg.
Gravure de l’Artémise
1. La tête de cochon sauvage, upoko puaka, de Henri Jouan est exposée en ce moment au Quai Branly, « Matahoata - Arts et Société aux Iles Marquises », Carol Ivory du 12 avril au 14 juillet 2016.
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JEUDI 19 MAI 2016