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Gustave Le Gray (1820-1884) un testament parisien
Historiens de l’art et de la photographie, conservateurs, collectionneurs et marchands d’art ont toujours l’espoir de trouver un ensemble inédit ou inconnu d’un grand photographe. C’est le cas ici de dix-huit tirages, dont cinq sont sans autres épreuves connues. Après l’enthousiasme de la découverte, un travail scientifique de recherche a été réalisé, qui a abouti à l’authentification des photographies, a déterminé leur place dans l’œuvre de l’artiste et mis en valeur le contexte historique dans lequel elles ont été réalisées. Ces dix-huit épreuves de grand format de Gustave Le Gray, apparues en 2016, font partie de ces découvertes qui permettent d’écrire une nouvelle page de l’histoire de la photographie. Lorsqu’il s’agit de Le Gray, dont la vie a été assez romanesque, une telle surprise ajoute un chapitre à sa légende. Elle permet aussi de mieux cerner la systématique de son travail et de comprendre la maturité artistique qui était la sienne en 1859. Ces photographies inédites, d’une facture remarquable, sont les dernières images monumentales de Paris réalisées par Le Gray entre fin 1858 et décembre 1859. Avant de quitter la France, acculé et ruiné, Le Gray a réalisé sans le savoir un ultime travail qui est sans doute d’un point de vue culturel son testament parisien. Pour vérifier l’hypothèse Le Gray et attester de l’authenticité de ces épreuves de très belle facture, un travail d’authentification a naturellement été entrepris. Il a d’abord porté sur la comparaison des vues avec des images connues, celles qui sont déjà dans de
grandes collections. Elles ont ensuite fait l’objet d’une recherche en filiation avec les plaques négatives au collodion répertoriées (seule l’épreuve n°X. de cet ensemble a été réalisée à partir d’un négatif sur papier ciré datant de 1852). L’authentification s’est faite également par l’appréciation de la qualité des tirages, très élevée dans le cas de Le Gray, qui avait une conscience très haute de la photographie comme d’un art à part entière. Alors que les photographes du XIXe et du XXe siècles numérotent leurs négatifs pour constituer un catalogue de référence, Le Gray numérotait ses tirages, seules œuvres valables à ses yeux. Le travail d’authentification a donc aussi porté sur la numérotation manuelle, à l’encre au dos de chacune des épreuves. Celle-ci nous apprend la logique du travail, nous permet d’intégrer les tirages aux corpus connus, et fournit des indications temporelles précieuses. C’est également pour respecter les clauses de son contrat avec ses commanditaires que Le Gray référencie chaque épreuve issue de son atelier du Boulevard des Capucines, de 1856 à décembre 1859. La numérotation manuelle des tirages permet un travail de datation relativement précis, sur la base d’une moyenne de vingt épreuves par jour. Le premier numéro connu est le 50, le dernier 24507. La répartition se fait ainsi : de 1 à 6’000/8'000 : année 1856. De 6’000/8'000 à 12’000/15'000 : année 1857. De 12’000/15'000 à 18’000/20'000 : année 1858. De 18’000/20'000 à 24’507: année 1859. Dans le catalogue, l’épreuve n°IX. porte le no 24507, qui est à ce jour le dernier chiffre connu. Ce qui en fait la dernière épreuve de Le Gray lui-même avant la mise en faillite de sa société, le 1er février 1860.
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