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Vers 1925, Albéric Collin, élève de Bugatti, donne une postérité intéressante au Grand Fourmilier de son maître, en reprenant le traitement aux stries serrées du pelage de l’animal, et la composition en cercle. Mais dans son Fourmilier 10, Albéric Collin laisse le corps de l’animal au repos : il se tient solidement campé sur ses quatre pattes, et son museau rejoint sa queue naturellement, sans tension, ni intention. Les fontes d’Adrien-Aurélien Hébrard A l’instar de la majorité des bronzes de Bugatti, Le Grand Fourmilier présente une fonte et une patine exceptionnelles. Rembrandt Bugatti a en effet bénéficié tout au long de sa courte vie, du travail des meilleurs « artistes » du bronze. Les fontes à la cire perdue d’A.-A. Hébrard sont parmi les plus belles jamais réalisées. « Les cires perdues de M. A.-A. Hébrard d’après Rodin, Dalou, Falguière, Desbois, Bartholomé, Bourdelle etc., sont unanimement appréciées des connaisseurs » comme l’affirme le critique d’art Louis Vauxcelles en 1905 11 Le fondeur, marchand d’art et collectionneur éclairé, prend Rembrandt Bugatti sous son aile dès 1904 alors que le sculpteur est encore mineur. Le jeune artiste est lié par un contrat d’exclusivité à l’homme d’affaires qui éditera tout son œuvre jusqu’à sa mort. Ce dernier assurera en outre la promotion de l’œuvre en organisant très régulièrement des expositions pour l’artiste dans sa galerie de la rue Royale, dans le 8e arrondissement parisien, invitant le large réseau de collectionneurs qu’il entretient. En homme d’affaires avisé, il sait rendre ses éditions plus désirables en limitant leur nombre 12. Mais le succès qu’il rencontre est avant tout lié à la qualité des fontes ainsi qu’aux patines exceptionnelles. « Vous vous rappelez ses bronzes souples et frémissants de vie du jeune animalier Rembrandt Bugatti » ajoute Vauxcelles 13. Ce
travail d’excellence est issu du savoir-faire ancestral que détient le milanais Albino Palazzolo, chef d’atelier de la fonderie, que Rembrandt Bugatti rencontre en Italie puis présente à Hébrard 14 en 1904. Les bronzes issus de cette collaboration entre Hébrard, Palazzolo et Bugatti sont si vivants, si fidèles à l’intention de l’artiste jusque dans les moindres détails, que toute tentative de falsification serait vaine. Le Grand Fourmilier est une œuvre rare, dont le tirage en bronze répertorié à ce jour est de cinq épreuves, dont l’une dédicacée 15. Cet exemplaire dédicacé, « A Monsieur A.A. Hébrard, Bugatti reconnaissant et dévoué, 1909 Anvers », Bugatti l’a offert à Hébrard. L’épreuve n° 2 est acquise par monsieur Jansen en 1911 ; l’épreuve n° 3 par sir Robert Abdy de Londres. Enfin, les épreuves n° 4 et n° 5 ont été conservées par la galerie Hébrard. Lors de la publication du Catalogue raisonné de l’œuvre sculpté de Bugatti en 1987, tout comme lors de l’édition française du livre d’Edward Horswell en 2006, l’épreuve n° 5, ici présentée, n’était pas encore répertoriée. C’est en 2009 qu’elle l’est, dans la littérature consacrée à l’artiste avec l’ouvrage de Véronique Fromanger : Rembrandt Bugatti sculpteur, répertoire monographique. Le Grand Fourmilier a été créé dans une période d’activité intense pour Rembrandt Bugatti, alors qu’il maîtrise parfaitement son art. Deux ans après, en 1911, la reconnaissance publique est au rendez-vous : il reçoit la Légion d’Honneur et une importante exposition rassemblant une centaine de ses sculptures, organisée par la galerie Hébrard, remporte un vif succès. L’épreuve n° 5 du Grand Fourmilier apparaît pour la première fois sur le marché, et le modèle de l’œuvre n’est pas encore conservé en collection publique.
1 - « La plastiline est le nom commercial d’une pâte à modeler contenant du soufre, inventée au XIXe siècle par le Génois Tschudi », dans Marie-Thérèse Baudry, Principes d’analyse scientifique, Sculpture, Méthode et Vocabulaire, �