references
littérature en raPPort : - Rivière, Anne, Gaudichon, Bruno, Ghanassia, Danielle, Camille Claudel. Catalogue raisonné, 3e édition augmentée, Adam Biro, 2001. - Gaudichon, Bruno, « Les séjours à l’Islette », in Camille Claudel et Rodin, la rencontre de deux destins, Québec, Musée national des Beaux-Arts du Québec, 26 mai-11 septembre 2005 ; Detroit, Detroit Institute of Arts, 2 octobre 2005-5 février 2006 ; Paris, Musée Rodin, 3 mars-15 juin 2006, Hazan, 2005, p. 135-151. - Gaudichon, Bruno, « Toutes les séductions de l’enfance », in Camille Claudel, au miroir d’un art nouveau, Roubaix, La Piscine Musée d’art et d’industrie André-Diligent, 8 novembre 2014-8 février 2015, p. 87-95. Avec La Petite Châtelaine, Camille Claudel livre une œuvre particulièrement forte et émouvante, habitée d’une expressivité intense. Durant l’été 1892, Rodin et sa maîtresse Camille séjournent ensemble en Touraine : lui pour travailler à sa sculpture du Balzac ; elle, certainement pour se reposer d’une grossesse interrompue. Ils logent au château de l’Islette, près d’Azay-le-Rideau, où ils profitent de la discrétion et du calme nécessaires à leurs activités. C’est là que Camille fait poser Marguerite Boyer, petitefille de la propriétaire des lieux, qui est alors âgée de six ans. On admet généralement que Camille commence à travailler à La Petite Châtelaine à cette période, et qu’elle achève son buste un an plus tard1. La Petite Châtelaine s’inscrit dans la thématique des visages d’enfants et d’adolescents, explorée par Camille Claudel tout au long de sa carrière, avec d’abord ceux de son frère Paul en Jeune Achille (1881) ou en Jeune Romain (1884-1887), de sa sœur Louise (Buste de jeune fille, 1886), de Charles Lhermitte (1887) ; puis avec ceux d’Ophélie (1895-1897) ou de l’Aurore (vers 1900). Tous ces jeunes visages ont en commun de saisir un élan et une innocence propres à leur âge, tout comme une sensibilité à fleur de peau. Pour La Petite Châtelaine, Camille reprend la découpe du « buste à l’italienne2 » qu’elle affectionne. Et l’apport de l’Italie pour ce buste ne s’arrête pas là, comme le souligne le critique T. de Wyzewa : « Mlle Claudel […] a mis dans un buste de petite fille quelque chose de la douceur ingénieuse et malicieuse de Mino da Fiesole 3». Selon son habitude, Camille Claudel donne de nombreux titres à sa sculpture : Jeanne enfant, La petite d’Islette, Petite folle, L’inspirée, Contemplation, Portrait d’une petite châtelaine 4, et enfin Petite Fille 5. Et cette particularité a tendance à s’opposer à la manière de faire de Rodin, qui ne soucie guère de nommer ses œuvres (L’Âge d’airain (1875-77) en est l’exemple le plus frappant). Justement, avec cette sculpture, l’intention de Camille est de s’éloigner de Rodin : « En décembre 1893, Camille Claudel écrit à son frère, pour l’informer des nouvelles directions prises
par son travail. Elle affirme là ce qui lui semble être le bénéfice premier de cette évolution : « tu vois, ce n’est plus du tout du Rodin », s’inscrivant dès lors dans une obsession d’indépendance farouche qui sera le moteur essentiel de la vingtaine d’années qui lui reste à accomplir de sa vie d’artiste. Autour de 1893, qui peut donc être une date pivot dans le parcours tant artistique que personnel de Camille Claudel, une œuvre s’impose, commencée dans l’intimité avec Rodin et poursuivie dans cette propension au démarquage. La Petite Châtelaine naît effectivement en 1892 et persiste encore dans l’Aurore dont la fonte par Blot attendra 1908. Mais c’est bien dans l’évolution entre le plâtre modelé à l’Islette en 1892 et le marbre de 1896 commandé par Henri Fontaine que se lit cette mutation qui serait celle de la séparation inspirante, précédant le recyclage d’œuvres anciennes qui sera la marque de l’artiste à partir des années 1897-1898 ». Dans ce texte, Bruno Gaudichon montre le caractère fortement aut