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Au Kremlin : « tout cela va sauter... »
« ... On commença à parler de la retraite de l'armée française et le GÉNÉRAL TOUTOLMIN [qui dirigeait l'hospice des Enfants trouvés] me dit : "MONSIEUR VENDRAMINI, VOUS POUVEZ ENTRER QUAND VOUS VOULEZ AU KREMLIN ?" JE RÉPONDIS AFFIRMATIVEMENT. "Et bien rendez-moi le service d'aller et de me savoir dire, si les Français partent oui ou non ce soir, et faites-vous donner un peu d'eau de vie de France, parce que nous en manquons ici, et nous en avons grand besoin". Je partis sur le champ ; ENTRÉ AU KREMLIN JE VIS LES CANONS ET LES FOURGONS ATTELÉS, TOUS LES SOLDATS SOUS LES ARMES, je m'approchai du logement du colonel Sicar [le futur général de la Garde impériale Joseph-Victorien Sicard], qui dans ce moment sortait de dîner avec plusieurs autres colonels et officiers ; en me revoyant ils furent tous surpris ; je commençai ma missive par leur dire de ne pas me prendre pour un espion ; mais que je venais de la part du général Toutolmin chef de LA MAISON DES ENFANTS TROUVÉS, MAISON QUI AVAIT ÉTÉ SCRUPULEUSEMENT RESPECTÉE PAR L'EMPEREUR NAPOLÉON, et que je venais pour savoir s'ils partaient dans la soirée, pour qu'il pût prendre les mesures nécessaires pour la garantir de l'invasion du bas peuple, qui s'y serait porté pour piller les provisions qu'elle contenait, et qu'en outre il les priait de lui donner un peu d'eau de vie de France. Le colonel me répondit que je pouvais assurer le général que dans deux heures et demies ils commenceraient à se mettre en marche, et que quand le piquet qui était de garde aux Enfants trouvés serait relevé, ce serait le signal de faire prendre les armes à ses gens ; que pour de l'eau de vie, il m'en donnerait autant que je pouvais emporter avec moi, car il ne pouvait détacher aucun soldat, en envoyer davantage ; j'en pris quatre bouteilles, deux que je mis dans mes poches et deux que je portais en mains. En passant dans la chambre où l'on venait de dîner, JE VIS SUR LA TABLE DE SUPERBES PORCELAINES, DES CRISTAUX ET DES BRONZES ; LE COLONEL ME DIT : "SI VOUS VOULEZ EMPORTER DE CES BELLES CHOSES, VOUS EN ÊTES LE MAÎTRE, CAR TOUT CELA VA SAUTER". "Mais mon colonel, repris-je, nous ne sommes pas bien éloignés du Kremlin ?" Ne craignez rien parce que ce sont des mines sourdes qui ébranleront le bâtiment dans ses fondements et le feront tomber sur lui-même ; vous entenderez certainement un grand bruit cette nuit, prévenez-en ces dames, mais je vous jure sur mon honneur que vous ne courez aucun danger. Le colonel m'accompagna jusqu'à la porte du Kremlin, là nous nous embrassâmes en nous souhaitant réciproquement du bonheur... De retour chez le général Toutolmin, je lui remis les quatre bouteilles d'eau de vie, et je l'informai de l'état des choses en lui ajoutant le triste sort dont le Kremlin était menacé ; LE PAUVRE VIEUX GÉNÉRAL AU DÉSESPOIR S’ ARRACHAIT LE PEU DE CHEVEUX QU'IL LUI RESTAIT en s'écriant "Mes pauvres enfants qui sont dans un corps de logis qui menace déjà ruine, vite, vite... il faut les loger dans une autre partie de la maison..." Quant le piquet de garde fut parti, l'ordre fut donné de fermer toutes les portes de l'établissement, on fit prendre les armes à toute la domesticité et chacun s'en fut chez soi en attendant avec terreur l'effet terrible d'explosion... VERS UNE HEURE ET DEMIE DU MATIN UNE ÉPOUVANTABLE SECOUSSE, SUIVIE D'UN BRUIT INFERNAL NOUS RÉVEILLA, nous rhabiller fut l'affaire d'un instant ; Monsieur Krivzoff [un officier russe blessé recueilli avec Vendramini] arriva et dit, "Et bien tout est passé" ; voyant ma belle-fille toute tremblante, il lui dit : "Mademoiselle Léontine, courage, prenez un petit verre de vin de Cypre (les Français en partant m'avaient fait cadeau d'un petit baril de ce vin et d'une provision de biscuits). Pendant que nous étions le verre à la main, UNE SECONDE EXPLOSION AUSSI FORTE QUE LA PREMIÈRE SE FIT ENTENDRE, c'était un bâtiment isolé qui servait de corps de garde surmonté de plusieurs grosses clo